J’ai eu l’occasion de faire une veille active sur les eBooks ces derniers temps, et je vous propose une petite synthèse de ma perception de ce marché.
Un basculement inexorable du marché de l’édition ?
J’ai déjà parlé dans ce billet de la mutation des marchés de la musique et de la vidéo à la suite des pratiques de téléchargement illégal. Le monde de la presse est lui aussi en souffrance avec le basculement progressif des lecteurs et annonceurs vers la presse en ligne. Nous avons ainsi assiste à la disparition progressive de la presse papier informatique (Le Monde Informatique, Décision Informatique, CIO, etc.) ; et les bloggeurs commencent à constituer une forme de concurrence pour les journalistes et les auteurs.
Dès lors, le métier de l’édition semble être le prochain candidat à un changement de paradigme. Je pense que seront visés dans un premier temps : l’édition « jetable » au format poche (romans de gare), les livres scolaires, techniques ou spécialisés, la presse quotidienne et spécialisée. Puis pourrait venir le tour de la presse magazine et de la littérature.
Les « bouquineurs »
Francis Pisani a introduit le terme bouquineur sur son blog pour désigner les lecteurs de contenus eBook. Ces lecteurs sont des interfaces d’un nouveau genre avec un écran permettant un grand confort de lecture et une grande autonomie. Ils reposent presque tous sur la technologie d’ « encre électronique » E-ink, issue du MIT Media Lab.
Parmi leurs avantages sur les livres papier, on peut citer : les gains en poids/espace, la navigation hypertextuelle, la recherche plein-texte, le marque page intégré, l’ajustement de la mise en page (taille des caractères), le caractère non permanent des annotations, la restitution simple des ouvrages en cas de perte, le moindre prix au livre, la possibilité d’intégrer vidéo & son, la vocalisation du livre.
Leurs principaux inconvénients sont : la perte du rapport au papier et du feuilletage, des annotations souvent limitées, un besoin de recharge, une certaine fragilité, les problèmes de pérennité des formats et des DRM, l’absence de notion de livre d’occasion.
Leur marché est en pleine explosion en cet automne 2009 :
- Sony propose 3 modèles : le Reader Pocket Edition, le Reader Touch Edition (tactile), le Reader Daily Edition (connecté en 3G)
- Amazon propose 2 modèles, malheureusement indisponibles en Europe : le Kindle (format poche) et le Kindle DX (format quotidien). La plateforme Amazon est très innovante car les Kindles ont été les premiers appareils directement connectés à une librairie en ligne en 3G.
- iRex propose l’iLiad, vendu avec la version numérique des Echos
- De nombreux autres modèles sont annoncés pour la fin de l’année : iRiver Story, Endless Technologie BeBook, Asus Eee-Book, Plastic Logic e-Reader, etc.
L’iPhone constitue un outsider de taille : avec 3 millions de lecteurs d’eBook, c’est la plateforme qui connaît la plus forte adoption.
Les formats d’eBooks
Il existe de nombreux formats disponibles :
- des formats dits « classiques » : PDF, RTF, TXT, DOC, etc.
- des formats propriétaires dédiés aux eBooks : Amazon AZW & MobiPocket, Sony BBeB, etc.
Le format le plus prometteur pour devenir un standard est ePub, un dérivé de XML, publié par le l’International Digital Publishing Forum (IDPF). Il est supporté par Google, Adobe, Sony, et d’autres…
Les forces en présence
Une des premières initiatives de numérisation de livres a été le projet Gutenberg, une entreprise menée à partir des années 70 par un philanthrope nommé Michael Hart. Ce projet porte uniquement sur des ouvrages libres de droits. Il en propose 30 000 en téléchargement.
Amazon a de son côté numérisé plus de 350 000 livres pour les besoins de son Kindle Store. Il est d’ailleurs possible de feuilleter ces livres en ligne depuis la librairie « papier » avec la fonction « search inside this book ».
Google même des travaux de numérisation titanesques en partenariat avec les bibliothèques universitaires, avec pour objectif de scannériser 50 millions de livres. La démarche de Google est un peu « au forceps » car la numérisation est effectuée avant de négocier avec les éditeurs. D’où une certaine exaspération de ce secteur…
Enfin, l’open content alliance est un regroupement d’acteurs qui souhaitent réagir à l’hégémonie de Google. Cette initiative a été lancée par Internet Archive et quelques universités. Elle a été rejointe par Yahoo, Amazon et Microsoft, dont les intentions sont un peu moins claires.
Les éditeurs et distributeurs « traditionnels » sont en phase d’observation car le marché du eBook est encore limité. Dunod, la Fnac ou Barnes & Nobles ont lancé des initiatives intéressantes… L’enjeu pour eux est de ne pas tomber dans le syndrome de Kodak qui est complètement passé à côté de la photo numérique.
sur le sujet je vous suggère de lire le blog d’Hubert Guillaud.
Ma perception
Il est clair pour moi que l’avènement des eBooks est une formidable opportunité pour l’auto-édition et pour une prise de parole renforcée des amateurs et autres bloggeurs.
Notons au passage que le risque de piratage des eBooks est grand car un livre pèse beaucoup moins lourd qu’un film ou un morceau de musique. Cependant, la lecture n’est pas un « divertissement » au même titre que la musique ou le cinéma. Peut-être cet aspect sera-t’il un frein au piratage de masse.
Il serait souhaitable pour nous, les utilisateurs, qu’ePub devienne un vrai standard et que l’on puisse accéder depuis n’importe quel bouquineur à n’importe quelle librairie d’eBooks, de préférence via une connexion 3G.
Enfin l’initiative de Google fait débat. Pour ma part je trouve positif que Google publie gratuitement 1 million d’ouvrages libres de droits au format ePub. S’il passe un peu au forceps, le géant de Moutain View fait tout de même bien avancer les choses.
Enfin, d’après ce que j’ai compris, Google numérise gratuitement pour le compte des bibliothèques en leur remettant une copie des ouvrages numérisés. Google ne sera donc pas le seul dépositaire de la connaissance collective : des duplicata existeront. En échange, le géant de Moutain View demande une exclusivité sur la recherche plein-texte dans les livres pendant 25 ans.
Cela me semble être un accord juste.
Qu’en pensez vous?