Retour d’expérience numérique responsable

La Fresque du Climat a été pour moi l’occasion de mettre en pratique certaines pratiques numériques responsables, en particulier avec l’aide de la Fresque du Numérique. Voici mon retour d’expérience.

Numérique responsable kesako ?

Pour avoir une vue complète de l’impact environnemental de l’informatique, il faut considérer, au-delà de la consommation électrique à l’usage, le cycle de vie complet des équipements. On parle de “from cradle to cradle”, c’est-à-dire de la fabrication au recyclage.

De manière synthétique, ce cycle comprend : 

  • La fabrication et livraison des terminaux, serveurs, composants réseau
    • L’extraction de matériaux (métaux, terres rares, pétrole, etc.)
    • La phase de transformation (ex : la silice est transformée en carte électronique, le pétrole en plastique, les minerais en métaux purs, etc.)
    • La phase d’assemblage (connexion processeur, mémoire, disque…dans un ordinateur)
    • L’expédition (transport, le plus souvent, depuis la Chine vers les pays occidentaux)
  • L’usage
    • Consommation électrique, essentiellement
  • La fin de vie

Selon le site greenit.fr, la hiérarchie des impacts est la suivante.

  1. Fabrication des terminaux utilisateurs
  2. Consommation électrique des équipements utilisateurs
  3. Consommation électrique du réseau
  4. Consommation électrique des centres informatiques
  5. Fabrication des équipements réseau
  6. Fabrication des équipements et des centres informatiques (serveurs, etc.).

Si l’on regarde des chiffres plus détaillés, toujours issus de greenit.fr, on voit clairement que l’impact environnemental majeur est celui des terminaux utilisateurs, puis des réseaux, enfin des serveurs. Il est donc rationnel de concentrer son effort sur les ordinateurs et smartphones, puis sur le réseau. Éco-concevoir un site web ou une application est clairement une priorité d’ordre 2.

C’est pourquoi nous avons travaillé avant tout sur les terminaux à la Fresque du Climat.

Tableau issu de Green IT : Empreinte environnementale du numérique mondial

Les terminaux

Les terminaux (téléphones, ordinateurs, tablettes) sont les appareils informatiques avec la durée de vie la plus courte (2 à 3 ans, alors qu’ils pourraient` durer 10 ans), pour 2 raisons : 

  • Leur obsolescence programmée : heureusement, le délit d’obsolescence programmée a été introduit dans la loi de transition énergétique en 2015, en partie grâce à l’action de l’association Halte à l’Obsolescence Programmée
  • L’incitation au renouvellement par la publicité

Aujourd’hui, les organisations qui ont une culture digitale utilisent essentiellement des outils de travail dotés d’une interface web, souvent dans le Cloud. C’est l’état de l’art. Rares sont les métiers qui nécessitent encore des applications locales : on peut citer les développeurs, les graphistes, les personnes qui font du modelage 3D ou de la simulation… Cela constitue une minorité. La généralisation des interfaces Web a plusieurs conséquences intéressantes : 

  • Les terminaux (ordinateurs, téléphones) deviennent interchangeables. En cas de panne ou de perte, donc de changement d’appareil, il est très rapide de retrouver un accès à son espace de travail, là où il fallait passer des heures à réinstaller toutes ses applications dans les années 90. Bien entendu, les fichiers et données sont stockées sur serveur, donc la perte d’un terminal n’a pas d’impact sur les informations d’entreprise.
  • Les terminaux ont besoin de moins de puissance. Ils doivent essentiellement faire fonctionner un navigateur récent (Firefox, Chrome, Edge, Opera, etc.). Cela permet d’augmenter leur durée de vie, et de s’équiper de terminaux moyen de gamme, comme par exemple des terminaux reconditionnés.
  • L’ergonomie du terminal devient moins importante. Quand tout se passe dans le navigateur, on passe plus facilement de Windows à Linux. Or Linux étant moins gourmand en ressources, il permet de limiter l’obsolescence programmée en faisant durer le terminal plus longtemps. On peut ainsi envisager de basculer sur des distributions connues comme Ubuntu ou ChromeOS.

A la Fresque du Climat, nous utilisons 100% d’applications dans le Cloud. Par conviction écologique, nous avons fait le choix de nous équiper uniquement en PC reconditionnés. Il s’agit de Lenovo Thinkpad, un modèle que nous avons choisi pour sa réputation de durabilité et de réparabilité. Notre parc est essentiellement constitué de Thinkpad datant de de 2017 et 2018. Les utilisateurs sont satisfaits de leurs performances. En cas de panne, nous savons changer un PC en 15 mn à partir de nos réserves, car aucune application ne fonctionne en local, et nos données sont dans le Cloud.

Ces PC sont achetés auprès d’Ecodair, un reconditionneur de la région parisienne qui récupère des Thinkpad auprès de grandes entreprises françaises. C’est notre partenaire la Fresque du Numérique qui nous a mis en relation avec eux. Ecodair dispose d’un atelier de réparation sophistiqué, capable, par exemple, de changer un composant sur une carte mère. Ecodair gère la réparation de nos Thinkpad. Par ailleurs, Ecodair favorise l’inclusion de personnes en situation de handicap ou en parcours d’insertion professionnelle.

Les graphistes et développeurs font exception avec des MacBooks, achetés auprès d’Okamac, reconditionneur spécialisé Apple. La plupart de nos ordinateurs sont sous Windows 10 (et non 11), afin de limiter les besoins en ressources. Quelques-uns sont sous MacOS ou Linux. Nous avons fait une tentative avec des ChromeBooks sous Chrome OS, mais ces appareils ont été mal acceptés par nos utilisateurs.

Le réseau

Les réseaux ont vu leur usage exploser à cause du streaming vidéo : 

  • Dans le contexte professionnel avec la visio-conférence
  • Dans le contexte personnel avec la vidéo à la demande (là où la télévision, transmise en broadcast, consommait peu d’énergie). 

Par ailleurs, il existe 4 réseaux mobiles en France (pour 1 réseau électrique, 1 réseau de chemins de fer, 1 réseau d’égouts, etc.). Et nous avons des équipements pour supporter 4 générations technologiques de la 2G à la 5G. On combine donc une explosion de la consommation et un gaspillage lié à un manque de mutualisation. Tout cela a un fort impact en termes d’énergie et de matériaux.

Les bonnes pratiques pour limiter l’impact des réseaux sont : 

  • Privilégier le Wifi qui consomme 23 fois moins d’énergie que la 4G
  • Faire des réunions à distance limitée à la voix (utiliser la vidéo quelques première minutes pour se dire bonjour)
  • Télécharger les contenus plutôt que de les regarder à la demande, lorsque c’est possible

L’opérateur télécom Telecoop incite à réduire la consommation réseau en proposant un “forfait sobriété”. Ces forfaits sont facturés selon le nombre de Giga de données utilisés et incitent à les réduire, en passer en Wifi. A la Fresque du Climat, nous avons une flotte d’abonnements TeleCoop.

Les serveurs

Les serveurs ont une forte problématique de refroidissement, et nécessitent des installations (circuits d’eau, climatisation, etc.) qui consomment beaucoup d’énergie, parfois plus que les serveurs eux-mêmes. Il existe un indicateur d’efficacité énergétique des datacenters : le PUE (Power Usage Effectiveness). Cet indicateur mesure la part d’électricité qui vraiment utile au calcul, versus celle qui est perdue en refroidissement. Un PUE idéal tend vers 1.

Par effet de d’échelle, les grands acteurs du Cloud (les GAFAM) ont pu optimiser leur PUE. Ils gèrent des millions de serveurs et ont tout intérêt à réduire leur facture d’électricité. Ainsi Google communique sur un excellent PUE de 1,08. Ce chiffre semble indiquer qu’il faut aller dans chez les GAFAM pour faire du numérique responsable (sous contrainte de respect du RGPD). Mais il est incomplet car on ne connaît pas les autres aspects, comme la consommation en eau, ou la durée de vie des serveurs. J’ai eu l’occasion de parler du sujet avec OVH : l’opérateur donne une seconde vie aux serveurs en les utilisant dans le cadre d’une offre low-cost et moins sophistiquée : Kimsufi. La démarche est très intéressante, mais on manque de recul sur ce que font les autres acteurs du Cloud. Il est donc difficile de faire des comparaisons étayées.

Un autre aspect intéressant des offres Cloud est que l’on peut planifier l’extinction de certaines ressources afin d’économiser l’électricité. Dans cet esprit, à la fresque du Climat, nous utilisons des services Cloud. Et nous éteignons automatiquement certains containers en dehors des heures de bureaux.

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